Aliocha Boi et la photographie abandonnée
Découvert sur Instagram, le photographe français Aliocha Boi duplique la ville et ses ecchymoses. Plongée dans son univers urbain avec les projets Composition et Décomposition.
Par Alexis Thibault.
Photographe autodidacte de 26 ans, Aliocha Boi étudiait la communication jusqu’à ce qu’il s’abandonne à la houle des réseaux sociaux et y dévoile ses clichés. Sa photographie plaît. Il s’est écarté d’une formation artistique académique pour progresser, seul. En 2013, il entame une traversée des États-Unis d’est en ouest, un road-trip financé par crowdfunding lors duquel il s’éprend du déclencheur. En 2015, à l’occasion de la première édition de Perspective Carrée, une exposition à la galerie d’art parisienne Négatif +, Aliocha présente son travail pour la première fois. Un an plus tard, ce sera lors de la cinquième édition des Expositions à la Maison.
Dès lors, inspiré par les procédés picturaux d’Éric Rondepierre ou de David Hockney, il trouve peu à peu sa signature : exhumer les décors ternis par le temps et l’abandon. Le photographe explore et prospecte, des ruelles multicolores de La Havane aux structures livides du vieux Shanghai. Au gré de rencontres intenses, les contrastes lumineux rendent leur splendeur à des lieux ou transcendent les façades jusqu’à l’abstraction. Peu importe l’objet, les pigments et leurs nuances, la photographie d’Aliocha n’est jamais sinistre. Il sillonne les agglomérations à la recherche d’une dose de symétrie, ennoblit le cadrage et la perspective.
Aliocha Boi est fasciné par la désaffectation de ces espaces déconcertants et désertés. Le mobilier encore présent est un indice des passages d’autrefois, les stigmates dérisoires sont sublimés. “J’aime la tension qui se dégage de ces lieux. Je n’interviens jamais dans les espaces que je photographie, ce qui ne m’empêche pas d’accentuer la théâtralité de ce qui est trop modeste”, confie-t-il. D’une vue imprenable sur Paris à un sanatorium tuméfié, le jeune homme capture puis duplique la ville. Comme il le dit : “Le réel n’est pas visible de manière spontanée mais doit être rendu visible. Ma photographie ne cherche pas à reproduire le réel, mais à travailler avec lui.”