Gangao Lang, la photographe qui peint les visages
Mêlant outils digitaux et travail de plasticienne dans ses prises de vue, Gangao Lang réalise des portraits d’une rare profondeur, captant des moments uniques d'intimité. Un travail sensible qui valut à cette photographe chinoise d'être la lauréate du Prix Dior de la photographie pour jeunes talents en 2019.
Douze portraits dépeignent une jeune femme en gros plan ou en plan américain (cadrant l'ensemble du buste). L’arrière-plan flouté met en relief chaque détail de son visage. Sa bouche d'un rouge écarlate, ses cheveux d'un noir de jais ou encore ses yeux sombres, dirigés droit vers l'objectif, qui plongent dans ceux du visiteur. Les diverses positions du modèle – elle apparaît tantôt de trois quarts, tantôt de face –, évoquent l'histoire du portrait en peinture, tandis que son corps, à travers le medium photographique, semble éminemment vivant. Des éléments matériels – cordes, colliers, fils de cuivre – et métaphoriques – amitié, amour, solitude – créent l’unité et la continuité des images. Avec sa série Second Self-Introduction, la photographe Gangao Lang exprime ici avec délicatesse un sentiment d’intimité et une sensualité timide.
Enfant de l’ère numérique, cette photographe de 21 ans originaire de la province chinoise de Henan, met les outils digitaux dont elle dispose au service de son art. S'il arrive après celui de la prise de vue, le travail d’édition n’en est pas moins crucial dans les portraits de Gangao Lang, qui en post-production joue sur trois tonalités : le rouge, le bleu et le beige, auxquelles elle ajoute des ombres, de la lumière, de l’opacité et de la transparence. À la manière d’une peintre, elle compose ses clichés avec des lignes et formes géométriques qu’elle appose sur le visage de son modèle, comme pour cadrer et accentuer la force de leurs émotions. En résultent des images poétiques, témoins sensibles d’une relation amicale profonde.
C’est dans la ville ensoleillée d’Arles dans le sud de la France que la photographe se fait remarquer. Depuis deux ans, cette ancienne capitale romaine accueille, dans le cadre des Rencontres d’Arles, le Prix Dior de la photographie pour jeune talents qui récompense des jeunes étudiants en photographie au travail prometteur. Développée en partenariat avec l’École Nationale Supérieure de la Photographie (ENSP), l’édition 2019 avait pour thème “Woman – Women Faces”, avec un accent mis sur la “couleur”, la “féminité” et la “beauté”, motifs chers à la Maison Dior. Parmi les onze photographes sélectionnés, Gangao Lang ressort gagnante de cette deuxième édition. Formée au prestigieux Shanghai Institute of Visual Arts, la jeune femme a ainsi décroché une récompense de 10 000 euros ainsi qu'une collaboration avec Dior.
Comme une seconde introduction de Gangao Lang au public français, sa série Second Self-Introduction l'expose à travers le visage mystérieusement doux de sa meilleure amie, Li Wanyue, qui contient dans ses trait une version intimiste de la beauté féminine. “Son personnage m’a donné l’envie de représenter une nouvelle version de la beauté féminine”, confie la photographe, avant d’ajouter : “Je prends exclusivement des photos de femmes. Observer et essayer de comprendre les modèles de mon âge a toujours été une source d’inspiration”. L'esthétique de l’intimité et de la féminité qui émane des images de Gangao Lang n’est pas sans rappeler celle du photographe chinois Ren Hang, qui a fait l’objet d’une rétrospective à la MEP en 2019, ou encore le romantisme de la photographe chinoise Luo Yang, dont l’objectif capture à la fois la force et la douceur des femmes dont elle fait le portrait.
À travers ses clichés plus plastiques, voire graphiques, Gangao Lang s'applique quant à elle à “représenter une femme forte, indépendante, et sincère, qui est passée d’une fillette rêveuse à une femme visionnaire”. Ainsi, la relation fusionnelle qu'entretient la photographe avec son modèle donne toute son intensité à sa série Second Self-Introduction qui, de l’autre côté de l’objectif, transpose ses rêves d’enfant en vision artistique. Un début plus que prometteur.