23 mai 2022

En direct de Cannes 2022 : Valeria Bruni-Tedeschi raconte sa jeunesse d’actrice dans Les Amandiers

En compétition officielle au 75ème festival de Cannes 2022, le film Les Amandiers de la réalisatrice franco-italienne Valeria Bruni-Tedeschi évoque avec délicatesse les souvenirs de sa jeunesse d’actrice vers le milieu des années 1980, au Théâtre des Amandiers à Nanterre près de Paris.

Nadia Tereszkiewicz et Sofiane Bennacer dans Les Amandiers de Valeria Bruni-Tedeschi

Nadia Tereszkiewicz et Sofiane Bennacer dans Les Amandiers de Valeria Bruni-Tedeschi

Comment voir sa propre jeunesse s’effacer en direct, quant elle parait encore triomphante aux yeux du monde ? L’héroïne ressent cette étrangeté dans sa chair. Nous la regardons avec passion exprimer ce sentiment. Face à elle, un jury décide de son admission à une formation qu’elle désire plus que tout. Ainsi commence le nouveau et très beau film de Valeria Bruni-Tedeschi, présenté en compétition dont elle restera l’un des joyaux. Nous sommes vers le milieu des années 1980, au Théâtre des Amandiers à Nanterre près de Paris, centre névralgique d’une aventure mythique du théâtre français. Le grand Patrice Chéreau, partagé entre scène et cinéma, met alors en place avec Pierre Romans une sorte d’anti-école d’art dramatique, sélectionnant une petite vingtaine d’acteurs et actrices pour les confronter à la réalité du métier. Ensemble, ils répètent Antonov de Tchekov et tentent de comprendre comment devenir de meilleurs comédiens et de meilleures personnes.

 

Ces classes si particulières, Valeria Bruni-Tedeschi les a vécues en compagnie d’une génération dorée (et aujourd’hui partiellement oubliée) composée notamment de Vincent Perez, Marianne Denicourt, Eva Ionesco, Bruno Todeschini, Thibaut de Montalembert ou encore Agnès Jaoui. La future actrice-réalisatrice a aussi connu là-bas un amour de jeunesse flamboyant, mort d’une overdose – un drame décrit dans le film. Les Amandiers, comme l’ensemble de son cinéma, travaille donc au corps l’autofiction, cherchant les traces et les sensations de vies passées. C’est ce qui rend ces deux heures à la fois vives et mélancoliques immédiatement belles, mais aussi et surtout partageables : le sentiment que ces hommes et femmes vivent devant nous ce qui restera peut-être comme les mois les plus intenses de leurs vies.

Nadia Tereszkiewicz, Louis Garrel et Vassili Schneider dans Les Amandiers de Valeria Bruni-Tedeschi

Caméra à l’épaule, Valeria Bruni-Tedeschi suit cette petite troupe comme un gang ultra émotif où l’art et la vie se chevauchent en permanence. Les scènes de répétition se mêlent à la chronique de post-adolescences pleines d’amour et de découvertes brutales, d’excès morbides parfois. Le film pourrait agacer dans sa description d’un microcosme arty, mais il est constamment porté par un souci du détail, un amour des personnages – aussi odieux soient-ils, comme l’est souvent Chéreau, interprété avec maestria par Louis Garrel – et une sensibilité devant la force des corps et des paroles, que tout devient essentiel à nos yeux, aussi essentiel que pour elles et eux.

 

Film tumultueux, porté par le désir de croire aux fantômes tout en refusant la nostalgie, Les Amandiers confirme le talent immense d’une jeune comédienne qui trouve enfin un terrain de jeu à sa mesure. Nadia Tereszkiewicz s’était faite remarquer avec la série Possessions. Dans le rôle difficile de l’alter ego de Valeria Bruni Tedeschi, la vingtenaire réussit à affirmer son entière liberté de mouvements et d’émotions par rapport à son modèle. Elle semble offrir au film sa certitude personnelle que la fiction agit comme une puissance intime et tellurique, capable non pas de sauver des vies, mais de les rendre plus profondes et plus palpitantes. Les Amandiers, comme elle, a le cœur qui bat un peu plus fort que les autres.

 

Les Amandiers, de Valeria Bruni-Tedeschi. En compétition. Au cinéma prochainement.