Quand Pedro Almodóvar collabore avec les plus grandes maisons
Dior, Chanel, Jean Paul Gaultier ou Azzedine Alaïa, nombreux sont les couturiers invités au cœur des décors colorés des films de Pedro Almodóvar. Retour sur trois moments où la mode a rencontré le cinéma éclatant du cinéaste espagnol.
Par Camille Moulin.
Au-delà de ses symphonies chromatiques éclatantes et de son humour presque théâtral, le cinéma de Pedro Almodóvar présente également aux yeux des spectateurs attentifs des costumes travaillés, souvent signés par de prestigieux couturiers. Sexualité, pouvoir ou argent, la symbolique des vêtements est presque aussi importante que celle des couleurs pour le cinéaste espagnol. Retour sur trois collaborations inattendues qui l'ont lié aux plus grands créateurs de notre époque.
1. Le tailleur Chanel, symbole d’une ascension dans Étreintes Brisées
Réalisé en 2009, Étreintes Brisées réunit une nouvelle fois Pénélope Cruz et le réalisateur espagnol après Volver (2006), Tout sur ma mère (1999) ou encore En chair et en os (1997). Elle y interprète cette fois-ci le rôle de Lena, jeune secrétaire rêvant de devenir actrice qui tente de sauver son père malade en se prostituant. Son patron, l'homme d'affaires fortuné Ernesto Martel, propose de l'aider alors qu'il est follement amoureux d'elle. Commence alors une romance entre le financier et cette jeune femme très belle, que son amant couvre de cadeaux comme pour mieux la retenir. Symbole de cette ascension économique, les costumes sobres – néanmoins signés Azzedine Alaïa – cèdent la place à un vestiaire luxueux, riche de plusieurs pièces Chanel.
Robe rose en tweed et tailleur blanc et noir forment le nouvel uniforme de Penelope Cruz. Pour ce film plongé dans le Madrid des années 1990, la maison de la rue Cambon a notamment prêtées ses archives des années 90, parmi lesquelles une magnifique robe noire parsemée de chaînes dorées extraite de la collection haute couture printemps-été 1992-1993.
2. L’apparition inespérée d’un ange vêtu de Dior dans Julieta
À travers un scénario mêlant douleur d'une mère et secrets de famille, Julieta (2016) trace le récit d'une relation mère-fille brisée par la folie maternelle. Julieta, avec qui sa fille Antía a coupé tout lien depuis plus de 12 ans, s'apprête à quitter Madrid. Mais ces projets sont bouleversés lorsqu'elle rencontre l'amie d'enfance d'Antía, une élégante journaliste nommée Bea, qui lui confie avoir croisé sa fille une semaine auparavant. Naît alors dans le coeur de cette mère désoeuvrée l'espoir de renouer avec son enfant.
Élément perturbateur du récit, Bea semble alors faire son entrée dans le film comme une apparition divine. Quasi mystique, sa présence se trouve appuyée par un vestiaire signé par la maison Dior. Habillée des pièces de la collection automne-hiver 2015, imaginées alors par le créateur Raf Simons, Bea arbore notamment un col roulé blanc et noir affichant à son bras le célèbre sac Diorama. Dans une autre séquence, on retrouve la jeune femme dans un tailleur rouge flamboyant de la même collection, comme l'incarnation de la passion dévorante d'une mère pour son enfant.
3. Les combinaisons seconde peau de Jean Paul Gaultier dans La Piel Que Habito
Collaboration de deux artistes de génie – tous deux surnommés “enfants terribles” par la presse –, le film La Piel Que Habito réunit en 2011 Pedro Almodóvar et le créateur Jean Paul Gaultier. Alors que le couturier français avait déjà participé aux costumes du cinéaste pour son film Kika (1993), il imagine pour ce film onirique et menaçant d'étroites combinaisons beiges et noires.
Hanté par la mort de sa femme décédée des suites de brûlures dans un terrible accident, Robert, chirurgien esthétique de profession, tente de recréer une peau synthétique qui aurait pu sauver son épouse. Pour mener à bien ses expérimentations, le scientifique incarné par Antonio Banderas tient enfermée dans une chambre de sa demeure une femme cobaye : Vera. Étrange et prohibée, cette relation patient-docteur est alors perturbée par le désir que Robert éprouve pour sa captive. Soulignant ce désir interdit, les combinaisons délicatement sensuelles de Jean Paul Gaultier agissent comme une seconde peau licencieuse, soulignant avant tout la quête du savant fou portée sur cet épiderme miraculeux.