“I would kill myself to complete my art”: Interview with Yoshiki, X Japan’s legendary drummer
En période de confinement, Numéro continue de s’intéresser aux artistes qui accompagnent nos journées en musique. Aujourd’hui, le célèbre batteur et membre fondateur du groupe de rock japonais X Japan – pionnier du mouvement visual kei où les effets visuels sont aussi importants que le son – se confie sur son grand amour pour la musique classique, ses opérations chirurgicales et ses dernières collaborations avec Marilyn Manson, Bono, Will.i.am et Jennifer Hudson.
Que ce soit en groupe ou en solo, le talent de Yoshiki méduse quiconque se trouve face à lui. Fondateur et leader emblématique du groupe de rock X Japan, le batteur androgyne est le pionnier du mouvement visual kei où les effets visuels – du maquillage aux effets pyrotechniques – sont aussi importants que le son. Plus tard, il officie en tant que pianiste soliste, oscillant entre des concertos de Tchaïkovsky et des performances enflammées, dignes du groupe américain KISS. Son jeu endiablé lui vaudra d’ailleurs de multiples interventions chirurgicales, son corps est au bord de la rupture. Yoshiki a toujours cherché à repousser ses propres limites… et celles de sa musique. Il a fait de sa musique un véritable art de vivre qui s’incarne aussi à travers une mode explosive à l’esthétique loufoque. Aujourd’hui au sommet de son art, Yoshiki se confie à Numéro et évoque son succès international fulgurant mais aussi la réalité plus sombre qui se cache derrière son personnage. Rencontre.
Numéro : Est-il vrai que lors de la Japan Expo de Paris en juillet 2007, certains de vos fans ont patienté 23 heures pour vous apercevoir et décrocher un gribouillis sur un coin de feuille ?
Yoshiki : Il me semble oui. Cela paraît difficile à imaginer, mais je me souviens de chaque instant unique passé à aller à la rencontre de mes fans. Sans eux, je ne serais pas là où je suis aujourd’hui. Ma vie a été remplie de tragédies… le suicide de mon père, les morts successives de deux des membres de mon groupe Hide et Taiji, les idées noires et les envies de suicides qui m’ont suivies pendant des années… Le soutien de mes fans m’a fait revivre. Ils m’ont sauvé la vie ! Aujourd’hui j’essaie de raconter mon histoire afin de leur rendre l’inspiration qu’ils m’ont donnés, et en tant que musicien, j’essaie de composer une belle musique afin, je l’espère, de pouvoir sauver désormais la vie des gens.
À la fin de vos concerts, il vous arrive parfois de fracasser votre batterie contre le sol. N’est-ce pas un immense manque de respect envers ceux qui se contentent de marteler des packs d’eau à chaque Fête de la musique ?
La ligne est fine entre les rêves et la réalité, et il en va de même pour l’art et les conventions morales. Cela dépend de l’endroit où les gens tracent cette ligne. Comprenez-moi, j’ai un énorme respect pour les instruments de musique. J’irais peut-être même jusqu’à me donner la mort pour mon art… comme l’a fait mon père. C’était un souvenir d’une atrocité insoutenable, mais je considère que certaines de mes actions destructrices peuvent être de l’art… même si j’aimerai éviter toute autodestruction !
Costumes, jeu de scène… Vous avez toujours arboré votre côté rebelle et insoumis mais paradoxalement, vous semblez à fleur de peau. Faut-il pleurer souvent pour être un vrai punk ?
Je pense que la rébellion, l’insoumission et l’hypersensibilité peuvent cohabiter dans une même personne. Je me battrais avec n’importe qui si je dois le faire, je n’ai pas peur. En revanche, il m’arrive aussi de pleurer en regardant E.T. [Rires.] Et puis, quelle est la définition du mot punk ? Je change constamment sa définition ; certaines définitions s’appliquent au passé, d’autres s’élaborent au présent.
Vous avez collaboré de nombreuses fois avec des maisons telles que Miu Miu, Louis Vuitton ou encore Stella McCartney. Quels rapports entretenez-vous avec la mode ? Pensez-vous avoir fait entrer le punk dans le milieu de la haute couture à travers votre esthétique ?
Mon père créait des kimonos à l’époque. D’habitude dans la tradition japonaise, le fils aîné reprend l’entreprise familiale, mais dans mon cas, je suis devenu musicien. Créer une marque de kimono est quelque chose de très naturel pour moi, car c’est dans mon sang. Lorsque l’on parle d’art, j’aime croire qu’il n’y a pas de frontière entre la musique et la mode. J’aimerais continuer de créer n’importe quelle sorte d’art qui inspire les gens. Avec un peu de chance, le monde de la mode peut me permettre de participer à cela, car j’ai eu beaucoup de mal à faire partie du monde de la musique. Mon approche combinant rock et musique classique était peu conventionnelle et l’industrie musicale a eu du mal à accepter mon style – je ne sais d’ailleurs pas si j’appartiens à ce monde encore aujourd’hui. Mais tant qu’il y a mes fans… Ils sont tout pour moi !
“J’ai subi des opérations chirurgicales des cervicales à deux reprises et j’ai un disque artificiel dans mon cou. J’espère qu’aucun musicien ne suivra mes pas sur ce chemin-là !”
Expliquez-moi en quelques mots en quoi consiste le “Visual Kei”. S’il s’agit simplement de faire du bruit avec beaucoup de lumière, je connais des types qui s’en sortent très bien devant les stades de football… Qu’est-ce qui est unique dans cette approche ?
Le “Visual Kei” n’est pas un genre de musique ou une mode : c’est un état d’esprit. C’est la liberté de pouvoir vous définir vous-même. Même avec le rock, le genre tend à restreindre ce que vous pouvez ou ne pouvez pas faire. Je souhaitais faire tomber tous ces murs. Le “Visuel Kei” est un mouvement, une culture à part entière.
Étant plus jeune, vous vous rêviez héritier de KISS. Quel artiste serait votre propre héritier aujourd’hui ?
Je serais honoré si des musiciens ont été inspirés par ma musique. D’un autre côté, mon jeu en tant que batteur m’a presque tué ! J’ai subi des opérations chirurgicales des cervicales à deux reprises et j’ai un disque artificiel dans mon cou. J’espère qu’aucun musicien ne suivra mes pas sur ce chemin-là !
Votre héritage semble bien assuré ! Vous avez aussi inspiré et été inspiré par nombre d’artistes remarquables. Parmi vos rencontres avec David Bowie, Michael Jackson et Marilyn Manson, laquelle était la plus improbable ?
Je regrette de ne pas avoir pu travailler avec David et beaucoup d’autres artistes extraordinaires partis trop tôt ! Je suis actuellement en train de travailler aux côtés de Marilyn Manson. Je pense que nous avons réussi à faire une série incroyable de morceaux, qui sera disponible bientôt, je l’espère. Marilyn n’est pas seulement un artiste hors-pair, il est aussi un grand ami !
Avec tous vos projets musicaux, cinématographiques et de mode à la fois, trouvez-vous encore le temps de pianoter du Chopin ?
Oui, je joue du piano tous les jours ! Je jouerai sûrement du Chopin, du Liszt, du Bach, du Beethoven et du Tchaïkovski lors de mon prochain concert classique.
Quel est donc ce fameux projet musical #SING4LIFE que vous avez mis en place avec Bono, Jennifer Hudson et Will.i.am pendant le confinement ?
Bono et Will.i.am sont des amis à moi. Un jour, Marc Benioff [P.D-.G du groupe éditeur de logiciels SalesForce] et Will.i.am m’ont demandé si j’étais intéressé de prendre part à ce projet. Mon ami Marc a eu l’idée de cette initiative, je suis tellement chanceux d’avoir de tels amis ! J’ai évidemment accepté et j’ai commencé à enregistrer de mon côté. Le message à retenir est que nous respectons tous une “distance physique”, mais que ce n’est pas pour autant que nous devons créer une “distance sociale”. Nous pouvons tous rester connectés à travers la musique. Je prie pour que tout le monde soit en sécurité durant cette pandémie.
Alone or with his band, Yoshiki’s talent stuns everyone around him. Founder and emblematic leader of the rock band X Japan, the androgynous drummer is the pioneer of the Visual Kei movement, in which visual effects (from make-up to pyrotechnic effects) are as important as sound. Also performing as a piano soloist, he oscillates between playing Tchaikovsky concertos and staging frenzied performances, worthy of the American band KISS. His wild drum style will eventually lead him to undergo several surgeries, his body being on the verge of breaking down. For all these years, Yoshiki searched for breaking down his own limits… and those of his own music. He turned his music and taste for fashion into a true way of living, moulding a zany and explosive aesthetics. Today at the height of his art, Yoshiki tells Numéro about his dazzling success, but also about the grimmer reality lurking behind his character.
Numéro Magazine: Is it true that some of your fans waited for 23 hours to see you and get a small scribble on the corner of a paper at the Japan Expo in France back in July 2007?
Yoshiki: Yes, I think so. It might be hard to imagine, but I remember each special moment when I can meet my fans face to face. Without my fans, I wouldn’t be here today. My life has been filled with tragedies… my father’s suicide, the deaths of my band members Hide and Taiji, the dark suicidal thoughts I had for many years… The support of my fans brought me back to life. They saved my life! Now I am trying to tell my story so I can return that inspiration to them and, as a musician, I try to compose beautiful music to hopefully save people's lives.
At the end of your concerts, you sometimes violently smash your drum set against the floor. Is it not a huge lack of respect for those who simply hit packs of bottled water during summer music festivals?
There is a fine line between dreams and reality, and it is the same with art and conventional morality. It depends on where people draw the line. Don’t get me wrong, I do have an enormous respect towards instruments. Perhaps I would even kill myself in order to complete my art… like my father did. That was an extreme and excruciating memory, but I consider that some of my destructive actions could be art… even though I would like to exclude self-destruction!
Staging, make-up, costumes… You have always encouraged the rebellious and disobedient part of yourself, but paradoxically, you seem to be hypersensitive. Does one have to often cry to be a real punk?
I think that the features of rebellion, disobedience, hypersensitivity can coexist within the same person. I would fight with anyone if I need to – I have no fear. Nevertheless, I would also cry when watching the film E.T. [Laughs.] What is the definition of punk anyway? I keep changing its meaning, and while some definitions only apply to the past, others are in the making right now.
You collaborated multiple times with fashion houses, such as Miu Miu, Louis Vuitton or Stella McCartney. What is your relationship with fashion? Do you think that you have introduced punk to haute couture, through your aesthetics?
My father used to create kimonos before. In Japan, the oldest son usually takes over the family business, but in my case, I became a musician. It was a pretty organic thing for me to start a kimono brand, because it is in my blood. When it comes to art, I would like to believe that there are no boundaries between music and fashion. I would like to keep creating any kind of art that can inspire people. Hopefully the fashion world can allow me to take part of it, because I had a very hard time belonging to the music world. My approach combining rock and classical music was not conventional and the industry had a hard time accepting my style – I don’t even know if I belong to that world still today. But as long as there are my fans… they are the world to me!
“I had neck surgery twice and have an artificial disk in my neck. I hope no musicians have to go through what I went through in terms of injuries!”
Explain to me in few words what “Visual Kei” is about. If it only means making noise with lots of lights, then I know some guys who do that pretty well in stadiums during sports game… What is unique about this approach?
“Visual Kei” is not just about music or fashion: it is a state of mind. It represents the freedom to describe yourself according to you own terms. Even in rock, the genre tends to restrict what you can or cannot do. I wanted to break down all those limiting walls. “Visual Kei” is a movement, it is a culture of its own.
As a young man, you dreamed about following in the steps of KISS. According to you, what musicians follow in your steps now?
It would be an honor if some musicians have been inspired by my music. At the same time, my drum style almost killed me! I had neck surgery twice and have an artificial disk in my neck. I hope no musicians have to go through what I went through in terms of injuries!
Your legacy is quite ensured though! You inspired and have also got inspired by different remarkable artists. Among David Bowie, Michael Jackson and Marilyn Manson, which meeting was the most surprising for you?
I wish I could have worked with David Bowie and other amazing artists when they were still alive! At the moment, I am making music with Marilyn Manson. I think that we have already made a series of amazing songs that will hopefully be out soon. Marilyn not only is an amazing artist, he is also a great friend!
With all your music, documentary and fashion projects going on at the same time, do you still find the time to tinkle some Chopin on your piano?
Yes, I play piano every day! I will maybe play some Chopin, Liszt, Bach, Beethoven, and Tchaikovsky for my next classical concert.
How did you get involved in the project #SING4LIFE with Bono, Jennifer Hudson, and Will.i.am during the lockdown?
Bono and Will.iam are friends of mine. One day, Marc Benioff [CEO of the cloud-based software company SalesForce] and Will.i.am asked me if I would be interested to be part of this project. I think my friend Marc is the mastermind of this project – I’m so lucky to have such amazing friends! I said “yes” of course, and immediately started recording then. The main message we are conveying in the song is that we are all “physical distancing”, but we don’t have to be “socially distancing”. We can still stay connected and reach out through music. I am praying for everyone’s safety during this pandemic.