Avec Priscilla, Sofia Coppola signe l’un de ses plus beaux films et venge Priscilla Presley
La réalisatrice américaine Sofia Coppola dévoilera ce mercredi 3 janvier 2024 un biopic sur Priscilla Presley, qui fut la femme d’Elvis Presley de 1967 à 1972 avant de prendre sa liberté. Basé sur l’autobiographie poignante de la it girl, Elvis and Me, publiée en 1985, le long-métrage, sublime récit d’émancipation, est l’un des plus beaux films de Sofia Coppola.
par Violaine Schütz.
Deux ans après le succès du biopic pailleté et flamboyant consacré à Elvis Presley réalisé par Baz Luhrmann, c’est au tour de Sofia Coppola de nous replonger dans le décor kitsch et luxueux de Graceland. En effet, la talentueuse fille de Francis Ford Coppola dévoile ce mercredi 3 janvier 2024 un film sur celle qui fut la femme du King, Priscilla Presley : Priscilla. Elvis se concentrait sur le succès fulgurant (et la déchéance) de l’icône du rock’n’roll alors incarné par le magnétique Austin Butler, à travers sa relation avec son manager, joué par l’acteur américain Tom Hanks. Mais Priscilla Presley n’était qu’une figure mineure du film.
Priscilla, un film de Sofia Coppola sur l’amour de la vie d’Elvis Presley
Le biopic de Sofia Coppola, basé sur l’autobiographie de Priscilla Presley (qui est coproductrice du projet), Elvis and Me, publiée en 1985, dresse, en contrechamp, un tableau intime du King, à travers l’histoire de l’amour de sa vie, l’actrice Priscilla Presley. C’est elle qui prend toute la lumière dans ce film magnifié par un female gaze bienvenu qui semble vouloir venger à la fois la it girl des années 60 souvent dépeinte en groupie et toutes celles ayant été prisonnières d’une relation amoureuse toxique. Cette fois-ci, c’est la jeune femme dans l’ombre qu’il faut écouter et non les médias ou l’idole de la musique. On en oublierait presque, face à la vision de la cinéaste, qu’aucune chanson d’Elvis Presley n’a été utilisée dans Priscilla, les ayant droits de la légende du rock ayant refusé la demande.
Priscilla Presley : une icône de mode qui a influencé Lana Del Rey et Amy Winehouse
Priscilla dresse aussi le portrait de l’icône de la mode qu’est Priscilla Presley, aujourd’hui âgée de 78 ans. Coupe de cheveux façon choucroute couleur corbeau, cils épais, eye-liner ailé et robes colorées aussi courtes et sexy que chic : la jeune femme s’est imposée pour son sens du style, alliant glamour et élégance. Après son divorce, elle ouvre une boutique de vêtements de luxe à Los Angeles et débute une carrière de mannequin, de présentatrice télévisée et d’actrice. On la voit ainsi dans le rôle de Jenna Wade dans la série à succès Dallas.
Figure de la mode des années 60, elle a inspiré les looks pin-up d’Amy Winehouse et de la chanteuse Lana Del Rey. L’une des scènes les plus iconiques du film reste celle de son mariage avec Elvis Presley. Une séquence pour laquelle la maison Chanel a imaginé une robe très similaire à celle que portait Priscilla lors de ce grand moment de la pop culture.
Priscilla (2024) de Sofia Coppola, au cinéma le 3 janvier 2024.
Sofia Coppola met en lumière Priscilla Presley, l’ex-femme d’Elvis, dans le superbe Priscilla
Avec Priscilla, Sofia Coppola avance en terrain conquis. Son cinéma est hanté par les prisons dorées, le spleen, la solitude, l’ennui et les adolescentes victimes du patriarcat et éprises de liberté, évoluant dans des mondes moins glamour qu’ils en ont l’air. Le film de Sofia Coppola raconte l’histoire d’amour passionnelle et toxique unissant Elvis Presley et Priscilla Beaulieu. Mais c’est aussi et surtout l’histoire d’une émancipation : celle d’une jeune femme, d’abord groupie et confidente, qui comprend peu à peu que sa vie vaut plus que les paillettes et que les volontés de celui qui l’aime (mal). Un parcours auquel beaucoup de jeunes filles ayant fait face à la masculinité toxique pourront s’identifier.
Après un plan sur les pieds aux ongles vernis de Priscilla s’enfonçant dans la moquette moelleuse rose de Graceland (moquette qui n’a par ailleurs jamais existé dans le lieu de culte), le film débute sur un coup de foudre… La star de la musique Elvis et la collégienne Priscilla se rencontrent à Bad Nauheimen en Allemagne, en 1959 (là où le chanteur effectue son service militaire), alors que la jeune femme n’a que quatorze ans et que le King en a vingt-quatre. En 1962, le couple arrive à Los Angeles. Victime de son succès grandissant à Hollywood, Elvis n’a que peu de temps à accorder à l’élue de son cœur. Pourtant, il contrôle ses moindres faits et gestes, notamment son style vestimentaire qui doit définitivement enterrer son image de petite fille.
Cailee Spaeny et Jacob Elordi, acteurs magnétiques du film Priscilla
Alors que Priscilla ne doit appartenir qu’à lui, selon sa vision étroite des choses, Elvis, de son côté, le chanteur ne se prive pas d’aller voir ailleurs et de voyager. Relation fusionnelle avec l’actrice Ann-Margret, rencontrée sur le tournage de Viva Las Vegas (1959), infidélités à répétition avec l’actrice américaine Anita Wood… La jeune femme subit le désamour de son compagnon, ses sautes d’humour et ses accès de colère. S’ils se marient en 1967, les multiples tromperies et le caractère impulsif de l’icône du rock (ainsi que sa dépendance aux médicaments) conduisent Priscilla Presley à demander le divorce en 1972. Séparés, les deux artistes qui ont eu une fille, Lisa Marie, née en 1968, resteront néanmoins amis jusqu’à la mort du King en 1977. Au sujet d’Elvis, Priscilla Presley avouait à la journaliste Barbara Walters en 1985 : “J’étais définitivement sous l’emprise de ce que je pensais être l’amour”. Et cette emprise est retranscrite avec justesse par une cinéaste qui a elle aussi « souffert » d’être enfermée (dans l’étiquette de fille de)… Et qui aura mis du temps, en passant d’actrice et it girl à réalisatrice, pour prendre son envol.
Sofia Coppola filme avec grâce et délicatesse les moments les plus anodins (Elvis offrant un chien à Priscilla pour combler ses absences) de ce faux conte de fées comme les plus forts (Elvis commentant les choix mode de Priscilla pour la façonner à son image) de cette relation tumultueuse, entre amour idyllique, contrôle, violence et descente aux enfers. Si l’acteur américain Jacob Elordi, le nouvel atout charme d’Hollywood qui envoûte dans la série Euphoria et dans le film Saltburn, impressionne en Elvis sombre et séducteur, c’est surtout l’actrice américaine Cailee Spaeny qui crève l’écran en poupée peu à peu désenchantée. Avec son air juvénile, la comédienne remarquée dans la série Mare of Easttown (2021), aux côtés de Kate Winslet, est parfaite en jeune fille naïve et follement amoureuse qui reprend peu à peu sa vie en main. Une partition subtile et sensible qui lui a valu un prix d’interprétation à la Mostra de Venise.