Cannes 2024 : avant de présider le jury du festival, Greta Gerwig épatait en danseuse paumée dans Frances Ha
Avant de réaliser Barbie, Greta Gerwig, présidente du jury du Festival de Cannes 2024, cosignait le scénario et jouait dans l’épatant Frances Ha, imaginé par son compagnon, Noah Baumbach. Un film majeur sur l’adulescence et la quête de soi disponible sur France TV.
par Violaine Schütz.
C’est l’une des réalisatrices les plus en vue d’Hollywood, et elle s’attèlera bientôt à deux projets issus du Monde de Narnia pour Netflix. Sauf qu’avant de réaliser le film Barbie (2023) avec Margot Robbie, l’actrice, scénariste et réalisatrice américaine Greta Gerwig, 40 ans, était déjà une figure phare du cinéma indépendant.
Elle a notamment joué dans de nombreux films, tels que Greenberg (2010), réalisé par son compagnon, Noah Baumbach, Sex Friends (2011) ou encore To Tome with Love (2012) de Woody Allen. Mais son rôle le plus marquant reste celui de l’émouvante et instable Frances Halladay dans Frances Ha de Noah Baumbach. Ce film sur l’adulescence et la quête de soi sorti en 2013 en France, est devenu un objet de culte chez les trentenaires très diplômés et cultivés qui ne trouvent pas d’emploi ou cherchent encore leur voie. Alors que Greta Gerwig est présidente du jury du Festival de Cannes 2024, Zaho de Sagazan a rendu hommage à une séquence culte de France Ha, en reprenant la chanson Modern Love (1983) de David Bowie.
Avant Barbie, Greta Gerwig, présidente du jury au Festival de Cannes 2024, était l’immense actrice de Frances Ha
Ce film tendre, drôle et mélancolique, dont l’actrice a cosigné le scénario, est à revoir avant que le phénomène Barbie ne s’empare du monde cet été pour saisir tout le talent et la grâce enfantine de Greta Gerwig, remarquée pour son adaptation réussie des Filles du docteur March (2019). Le long-métrage très inspiré par la Nouvelle Vague raconte le quotidien de Frances, une Américaine de 27 ans qui donne des cours de danse à des enfants tout en rêvant de rejoindre une compagnie de danse de manière plus professionnelle. Frances ne possède pas grand chose de tangible dans sa vie, à part sa meilleure amie et colocataire, Sophie. Elle n’a pas d’argent, mais collectionne les doutes et les moments de solitude. Mais Sophie envoie valser l’univers déjà déréglé de Frances lorsqu’elle décide de prendre un autre appartement situé dans un quartier plus onéreux de New York. La rupture amicale est souvent aussi difficile que la rupture amoureuse et pourtant, on n’en parle pas souvent au cinéma. Ici, elle est magistralement retranscrite dans des scènes de comique existentialiste d’une grande justesse.
La vie de Frances n’était pas un ballet très organisé, mais voici son existence encore plus chamboulée. L’héroïne aux mimiques burlesques saute d’appart en appart et souffre de l’éloignement de son amie qui se met en couple et évolue dans une dimension plus bourgeoise que la sienne. Décalée, cette jeune femme ne s’installe pas, mais s’agite, vacille, tombe, se relève, court (sur le Modern Love de David Bowie), vivote et tente quelques entrechats risqués mais salvateurs comme celui de partir à Paris à l’improviste alors qu’elle n’en a pas les moyens ou de vivre en colocation avec deux garçons rencontrés en soirée.
« La vie de Frances ressemble à un long travelling en noir et blanc où il ne se passe pas grand chose et pourtant, cette vie est des plus séduisantes. »
Finalement, la loufoque Frances n’est pas prise dans la troupe de danse qu’elle convoitait et accepte un travail destiné en général aux étudiants dans son ancienne université. Elle dort alors sur le campus. Retour à la case départ. La vie de Frances ressemble à un long travelling en noir et blanc où il ne se passe pas grand chose et pourtant, cette vie est des plus séduisantes, palpitantes et télégéniques. C’est une existence restée coincée dans l’adolescence. Pendant que tout le monde grandit autour d’elle, elle offre à voir un autre chemin qu’une construction toute tracée.
Le plus beau moment du film est sans doute celui où Frances n’arrive pas, dans un dîner mondain, à répondre à cette question simple : “Que fais-tu dans la vie ?” Parce qu’elle ne fait pas vraiment quelque chose, dit-elle. Elle témoigne ici verbalement de sa différence, une différence qui en fait l’un des personnages les plus vibrants et attachants du cinéma américain de ces dernières années. Frances ne réalise, en effet, rien de matériel, mais elle est un accident magnifique toujours en train d’arriver et d’essayer de se réaliser et de devenir elle-même. Un “work in progress” qui danse sa vie dans une valse souvent poignante. Dans Frances Ha, il y a l’idée de faire accoucher du chaos, une étoile, comme le disait Nietzsche. Car une journée est perdue si on n’a pas dansé. Même si à la fin du spectacle, il n’y a pas d’applaudissements, ni de salaire.
Frances Ha (2013) de Noah Baumbach, disponible sur France TV. La 77e édition du Festival de Cannes a lieu jusqu’au 25 mai 2024.