Cannes 2023 : que faut-il penser de la série sulfureuse The Idol ?
Présentés ce lundi 22 mai au Festival de Cannes, les deux premiers épisodes de la série The Idol imaginée par le créateur d’Euphoria, Sam Levinson avec The Weeknd n’ont pas convaincu la Croisette.
par Olivier Joyard.
Lily-Rose Depp, The Weeknd et Troye Sivan à l’affiche de la série The Idol
Le trouble et la perspective du scandale font partie des habitudes cannoises. Sans doute l’une des raisons pour lesquelles The Idol, la nouvelle série de Sam Levinson (créateur d’Euphoria, un drame adolescent brutal diffusé sur HBO), s’est frayée un chemin jusqu’au Grand Théâtre Lumière, pour l’avant-première Hors Compétition de ses deux premiers épisodes. Côté stars, le duo Lily-Rose Depp et Abel Tesfaye – plus connu sous son nom de scène, The Weeknd – a offert au Festival de Cannes un shoot de glamour. Et sur l’écran ? C’était une autre histoire, un autre glamour, abîmé et violent.
The Idol raconte la vie tourmentée d’une popstar, Jocelyn, dont l’inspiration se trouve du côté de Britney Spears, d’ailleurs citée dès les premières minutes à travers une chorégraphie hommage au clip culte de Slave 4 U, son tube de 2001. Mais Jocelyn appartient clairement à la génération post-Britney, celle de la surveillance généralisée des réseaux et de la culture de l’excès. The Idol plonge dans l’envers sordide du rêve hollywoodien contemporain, quand une artiste est considérée comme un pur produit dont il faut assurer la rentabilité. Alors, Jocelyn souffre. En perte de vitesse alors qu’elle vient de perdre sa mère, la chanteuse doit sortir un single pour relancer les ventes de sa tournée à venir. Elle rencontre alors un gérant de boite de nuit et vague producteur de beats, un homme qui la fascine et surtout, un prédateur qui la prend sous sa coupe. C’est le personnage d’Abel Tesfaye.
Accueillis plutôt froidement, ces deux premiers épisodes posent une vraie question : Sam Levinson a-t-il essayé de développer un point de vue critique sur un système qui broie les artistes féminines, ou simplement assumé son désir (et celui de The Weeknd, co-créateur du projet) de scruter une femme violentée ? Le simple fait de poser la question y répond partiellement. Un article du magazine Rolling Stone publié au début du printemps a raconté comment la réalisatrice initiale du projet, l’intéressante Amy Seimetz, a été écartée pour laisser place au duo Levinson/Tesfaye et à son point de vue. Dans la lignée d’Euphoria, The Idol ne se prive jamais de montrer son héroïne dans des tenues légères, sous des angles qui mettent en avant son corps offert au regard du puiblic. Les deux épisodes montrent qu’il s’agit aussi de son choix, d’une forme d’expression sexuée de son identité. Sharon Stone est citée directement et à travers elle le génial réalisateur de Showgirls, Paul Verhoeven. On jugera sur pièces quand l’ensemble de la saison, qui compte six épisodes, aura été diffusée, mais Sam Levinson ne fait pas pour l’instant preuve de la hauteur de vue et de la suprême ironie du réalisateur hollandais.
Au contraire, The Idol plonge dans la fange avec frontalité. Il s’agit aussi de sa principale qualité. Une certaine énergie se dégage de l’ensemble, une fureur, presque, qui menace sans cesse de faire tanguer le récit. Pour tenir le cap, Levinson compte sur l’engagement de son actrice. Et Lily-Rose Depp répond présente. Sans cesse sur la brèche, elle se lance dans la bagarre avec force. S’il fallait une bonne raison de regarder The Idol, ce serait évidemment pour elle.
The Idol (2023) de Sam Levinson, disponible sur Prime Video via le Pass Warner dès le 5 juin 2023.