24 mai 2023

Icône de l’électro-pop, Alison Goldfrapp fait des débuts explosifs en solo

Icône de l’électro-pop révélée à l’orée des années 2000 avec son duo Goldfrapp, Alison Goldfrapp revient après six ans d’absence avec son premier album solo, The Love Invention. Des débuts réussis qui corroborent un vrai renouveau du genre à l’ère post-pandémie, tout en s’inscrivant dans la lignée des opus de sa formation initiale.

Le début des années 2020 signera-t-il le grand retour en grâce de l’électro-pop ? De Roísín Murphy à Jessie Ware et leur disco 2.0 en passant par la téméraire Charli XCX ou la ténébreuse Alice Glass, nombre d’artistes ont pris ces dernières années le chemin de ce genre musical en perte de vitesse après un âge d’or à l’approche des années 2010. Conséquence de la pandémie ou non, la musique d’aujourd’hui et demain doit faire danser avec l’insouciance des années 70 et 80, comme en attestent également les sonorités disco qui irriguent également les dernières productions de pop stars internationales telles que Dua Lipa ou Kylie Minogue. Une tendance q’Alison Goldfrapp avait anticipée il y a longtemps… ou bien ne l’avait-elle jamais perdue de vue. Moitié du duo britannique Goldfrapp, formé en 1999, l’auteure-compositrice-interprète est loin d’en être à son galop d’essai : figure de proue du renouveau de l’électro-pop sur les deux dernières décennies, elle a grandement contribué à sa transformation au fil des années 2000, proposant d’un album à l’autre un son tantôt rutilant et allègre, tantôt glacial et métallique. Après plus de deux décennies à travailler à deux avec son acolyte Will Gregory, la chanteuse aujourd’hui âgée de 57 ans prend son envol en sortant son premier opus, ajoutant enfin son prénom devant son patronyme. Intitulé The Love Invention, l’album déploie en dix-sept morceaux – dont cinq remixes – une pop solaire sans être mièvre, portée par un fervent désir de célébration.

 

Alison Goldfrapp place le club au cœur de son album solo

 

“Ca y est : j’ai retrouvé mon mojo !, confie d’emblée la chanteuse à Numéro, la veille de la sortie de ce premier disque solo. Des mots qui sortent de sa bouche à sa musique inédite, l’enthousiasme et l’excitation de l’artiste sont palpables. Ces six dernières années, Alison Goldfrapp avait en effet disparu des radars suite à la sortie du dernier album de son duo, Silver Eye. Une pause sabbatique volontaire doublée des années de pandémie, qui lui ont permis de recharger ses batteries et retrouver son goût pour la musique autant que respirer et réfléchir à de nouveaux projets. Partagée entre la frénésie de Londres et le calme de la campagne britannique, l’artiste a ainsi pu prendre le temps nécessaire pour écrire et mettre au point tranquillement son nouveau projet. Animée dès le départ par l’envie de retrouver la piste de danse, l’artiste a rapidement fait des beats et des rythmes la base de ses nouveaux morceaux, avant d’y ajouter ses paroles et ses mélodies. “Je voulais que le club soit un tissu de cet album”, justifie la Britannique, qui n’hésite pas à monter le métronome au-dessus des 110 bpm pour entraîner les auditeurs dans son électro-pop sémillante. De Digging Deeper Now, titre parmi les plus efficaces de cet opus dans lequel on croirait parfois entendre des échos de l’indétrônable tube disco I Feel Love de Donna Summer, au succulent Gatto Gelato, dont la ritournelle électrique martelée par les synthés rappelle les heures de gloire du quatuor Kraftwerk, Alison Goldfrapp met au point une recette efficace et bien rodée. Sans perdre, au-delà de ces influences saillantes, les touches qui font sa singularité, telles que sa voix céleste et éthérée : se dédoublant fréquemment dans les aigus pour composer des nappes harmonieuses, elle semble même dans des titres tels que The Beat Divine et Subterfuge  transporter au-delà des nuages pour aller taquiner les ailes des anges.

The Love Invention : un album solo… ou presque

 

Depuis leur premier opus, l’excellent Felt Mountain en 2000, les deux moitiés de Goldfrapp ont déroulé leur discographie suivant un rythme binaire, alternant presque systématiquement entre des albums plus calmes voire sombres et leurs lentes balades, voix susurrées et mélancoliques (Felt Mountain, puis Seventh Tree et Tales of Us) , et des albums plus enlevés et dansants, où le duo a posé petit à petit les jalons de l’électro-pop qui les caractérise (Black Cherry, Supernature puis Head First). Avant que les deux polarités ne s’embrassent totalement dans leur dernier disque, Silver Eye (2017), véritable synthèse de leur carrière sur près de deux décennies. Suite à cette dernière sortie, le mystère planait ainsi sur la direction musicale que prendrait le projet suivant. Pour la chanteuse, qui attendait depuis quelques temps déjà le bon moment pour se lancer de son côté, le chemin de la dance était clair depuis longtemps, sans doute renforcé par la frustration des confinements et couvre-feux. Dans la lignée de ses collaborations précédentes avec The Haxan Cloak et Röyksopp, la chanteuse s’est entourée de pointures de l’électro telle que les producteurs Richard X et James Greenwood, et même invité l’Allemand Claptone et le Britannique Paul Woolford, respectivement en featuring sur deux morceaux disponibles dans la version longue de l’opus. “Tout le monde parle de cet album comme mes débuts en solo, mais en réalité je ne le vois pas comme ça. Je ne me suis pas du tout sentie seule sur cet album !”, rectifie-t-elle, visiblement ravie d’avoir pu explorer de nouveaux territoires avec ces autres artistes.

Alison Goldfrapp, “The Love Invention” (2023).

Musicalement, toutefois, le premier album d’Alison Goldfrapp s’inscrit, sans prendre de risques, dans la continuité directe de Goldfrapp, là où certains artistes profitent justement d’une carrière en solo pour trancher radicalement avec leur musique ou développer des projets plus expérimentaux. Avec The Love Invention , la chanteuse parvient à réussir ce qu’elle avait entamé en 2010 avec Head First, album lumineux et très dansant du duo, qui connut cependant un accueil mitigé en raison de ses arrangements et mélodies souvent attendus, voire datés. Ici, la production est aussi affûtée que les morceaux sont riches et leur enchaînement cohérent, témoignant de l’attention et du temps de travail accordés à ce nouveau projet. Dans des décors pop baignés d’explosions de rose, jaune, vert, bleu et violet parmi lesquels l’artiste se meut avec énergie, les premiers clips de l’album, réalisés par l’artiste visuel Mat Maitland, accompagnent l’entrée dans cette pop onirique et définitivement acidulée où l’utilisation de l’intelligence artificielle transforme Alison Goldfrapp corps en sorte d’avatar à la frontière des mondes réel et virtuel. Un voyage aérien complet et continu vers une nouvelle dimension dont le plaisir paraît être la seule destination. Tandis que les paroles des morceaux, introspectives et épicuriennes, corroborent cette invitation de la chanteuse à plonger au fond de soi pour y retrouver l’amour de la danse et de la musique.

 

Alison Goldfrapp, The Love Invention (2023), disponible.