5 juin 2023

Le jour où Megan Fox est devenue une icône camp et queer avec le film Jennifer’s Body

L’actrice américaine Megan Fox est à l’affiche du film d’action Expendables 4 ce mercredi 11 octobre 2023 et elle publiera un recueil de poésies, Pretty Boys Are Poisonous, le 7 novembre 2023. L’occasion de se pencher sur le film d’horreur camp, queer et culte Jennifer’s Body (2009). Une comédie d’épouvante dans laquelle brille une Megan Fox vampirique et fascinante, qui préfigure le mouvement #MeToo.

Depuis 2014, le Festival du film de fesses propose de voir ou de revoir une sélection de films qui abordent la sexualité de manière inédite, exaltante ou subtile, dans des cinémas parisiens tels que le Majestic Bastille (11e) ou le Reflet Médicis (5e). Lors de sa dernière édition, en juin 2023, on pouvait redécouvrir l’incendiaire Eyes Wide Shut (1999) de Stanley Kubrick ou le félin Irma Vep (1996) d’Olivier Assayas, mais surtout l’étrange, parodique, insolent, gore et trash Jennifer’s Body (2009), diffusé au cinéma de L’Archipel (10e), à Paris… Et se rendre compte de sa folle modernité.

 

Megan Fox, héroïne flamboyante du film Jennifer’s Body


Avant Jennifer’s Body, l’actrice américaine Megan Fox, aujourd’hui âgée de 37 ans, était surtout perçue comme un sex-symbol qui avait joué des bimbos dans des blockbusters d’action tels que Bad Boys 2 ou la saga Transformers. Mais la sanglante comédie horrifique Jennifer’s Body, réalisée par Karyn Kusama (Girlfight, Æon Flux) et scénarisée par Diablo Cody (Juno), va la faire passer dans un tout autre registre. Et la chair de la poupée va s’avérer exploitée de manière bien plus subversive…

 

Ce film sorti en 2009, qui doit son nom à une chanson du groupe de rock phare des années 90 Hole (la formation de Courtney Love), n’est pas banal. D’abord en raison de son histoire, qui flirte avec la série B, voire Z. On y suit une lycéenne qui vit dans une petite ville américaine, Jennifer (Megan Fox), incarnant à merveille l’archétype de fille populaire et dont la beauté fatale affole tous les garçons qui la croisent. Sauf qu’un soir, les choses tournent mal. Lors d’un concert donné par un groupe de rock sataniste (au sens littéral du terme) dans un bar, le chanteur attire Jennifer dans les filets de la bande, en quête d’une jeune fille vierge à offrir à Satan en échange du succès. Ils décident alors de sacrifier Jennifer en la poignardant dans une forêt. Sauf que le personnage joué par Megan Fox, désormais devenue succube car elle n’était pas « pure », renaît de ses cendres et se venge en mangeant les hommes (au sens propre). Un stratagème cruel qui lui permet de rester belle, car si elle ne se nourrit pas de la gente masculine, elle revêt une apparence maladive. Megan Fox campe ici un personnage à la fois monstrueux, sexy et drôle qui se situe quelque part entre le vampire, le zombie, la sorcière et la comtesse hongroise Élisabeth Báthory, qui, selon la légende, aurait tué des jeunes femmes pour se baigner dans leur sang et conserver ainsi sa jeunesse.

Jennifer’s Body, un film culte qui annonce le mouvement #MeToo

 

Sur le papier, le pitch de Jennifer’s Body prête à sourire, mais il est beaucoup plus symbolique qu’il n’y paraît. C’est d’ailleurs en raison de ses sens cachés, en plus de la beauté magnétique des deux héroïnes, Megan Fox et Amanda Seyfried, et de son esthétique Y2K-gothique, qu’il va devenir culte. Comme l’écrit la journaliste Constance Grady dans le média Vox, en 2018, le film, né d’une double female gaze, a une portée féministe forte, car il préfigure le mouvement #MeToo. On y voit en effet un groupe d’hommes avides de pouvoir et d’argent sacrifier sans vergogne une fille au corps de rêve, qui ne représente pour eux qu’un pion sur l’échiquier. Sauf que Jennifer va subvertir son pouvoir charnel pour se venger des hommes, par la suite, utilisant ses charmes qui jusqu’ici avaient été exploités par eux. Jennifer’s Body est d’autant plus puissant que son actrice principale a été victime de slut-shaming à Hollywood, et que ses looks décomplexés sur le tapis rouge ont aidé à l’enfermer dans des rôles de faire-valoir du héros masculin.

 

En 2009, Megan Fox frappait un grand coup en dénonçant, dans le Jimmy Kimmel Live!, une scène hypersexualisée qu’on lui avait fait tourner durant son adolescence. Elle expliquait en effet que dans Bad Boys II (2003), le réalisateur Michael Bay lui avait demandé de danser de manière sensuelle en bikini et talons hauts alors qu’elle n’avait que 15 ans. L’actrice a aussi confié en 2020, sur Instagram : « J’ai vécu des expériences vraiment pénibles dans une industrie à la misogynie impitoyable. Il y a beaucoup de noms qui méritent d’être dévoilés dans la culture actuelle […], mais ils sont stockés en sécurité dans les recoins fragmentés de mon cœur. »

 

Megan Fox, actrice bisexuelle à l’affiche d’un film queer

 

En plus de sa portée féministe, Jennifer’s Body est aussi considéré comme un classique camp et queer, les deux héroïnes étant embarquées dans une intrigue aux relents charnels. Dans une interview accordée au New York Post en 2021, Megan Fox, qui affiche, en interview, sa bisexualité depuis les années 2000, se réjouissait de son rôle auprès de la communauté LGBT : « Je ne peux pas vous dire combien de filles, que ce soit des filles de 30 ans ou des adolescentes – et de mon âge – viennent me voir et me disent: « J’ai réalisé que j’étais gay grâce à toi » ou « Je me sentais à l’aise de faire mon coming out grâce à toi, en raison de Jennifer’s Body et des interviews que tu as données révélant que tu étais bisexuelle avant que ce ne soit considéré comme cool. » Elle ajoutait que si son but sur Terre était d’aider, ne serait-ce qu’une fille, à sortir du placard et à se sentir bien dans sa peau, elle en serait très fière.

 

Jennifer’s Body (2009) de Karyn Kusama, avec Megan Fox, disponible en DVD. Expendables 4 (Expend4bles) (2023) de Scott Waugh, avec Megan Fox, Jason Statham, Sylvester Stallone, actuellement au cinéma. Pretty Boys Are Poisonous (2023) de Megan Fox, disponible le 7 novembre prochain, aux éditions Gallery Books.