Paris Photo : Leigh Johnson illustre la douceur de vivre avec la maison Chloé
Pour sa deuxième participation à la foire Paris Photo dont elle est partenaire, la maison Chloé invite jusqu’au 13 novembre une femme photographe contemporaine à présenter son travail dans un stand dédié au sein du Grand Palais Éphémère. Après Zoë Ghertner en 2021, c’est au tour de la photographe américaine Leigh Johnson de présenter une installation sensible réunissant dix ans de fragments de vie capturés en images sous son objectif doux, bienveillant et lumineux.
Par Camille Bois-Martin.
En plan large ou portrait réduit, dans des cadrages tantôt rapprochés, tantôt très éloignés, des dizaines de visages et paysages peuplent actuellement les cimaises blanches de l’un des stands installé sous la tente lumineuse rattachée au Grand Palais Éphémère. Disposés de part et d’autres des cloisons, parfois très en hauteur, tout en bas ou en quinconce, ces tirages présentés dans des cadres épais de couleurs vives – rose fuchsia, jaune fluo, vert pomme … – semblent flotter dans l’espace comme les fragments d’une mémoire éparse. Tel est un riche aperçu de l’œuvre de l’Américaine Leigh Johnson, artiste invitée par Chloé à investir son stand à l’occasion de la 25e édition de la foire de photographie internationale Paris Photo, dont elle est partenaire. Depuis l’arrivée de Gabriela Hearst à sa direction artistique en décembre 2020, un vent de fraîcheur souffle sur la maison de luxe – tant dans ses collection, plus engagées et durables, que dans les initiatives artistiques de Chloé Curates, qui mettent en avant le travail de figures féminines de la création contemporaine. Un travail que l’on constatait déjà en novembre 2021, lors de la présentation à Paris Photo des clichés sensibles et pudiques de la photographe Zoë Ghertner. Une affirmation du female gaze – soit le “regard féminin” posé par les artistes sur leurs sujets, par opposition au male gaze – qui se poursuit ici avec l’œuvre de Leigh Johnson, bien déterminée à s’écarter des canons de la représentation des corps qui ont dominé la photographie pendant des décennies de son histoire.
Intitulée “Come Closer, Closer Please”, l’exposition de Leigh Johnson invite littéralement les visiteurs à interrompre dans leur parcours et s’approcher de ses œuvres pour s’imprégner de ces morceaux de vie, capturés par la photographe depuis les débuts de sa carrière dans les années 2000. Un moment de complicité à la plage, une étreinte dans un champ, un matelas laissé à l’abandon dans une rue… Dans la plupart ce ces photographies, la composition est épurée : Leigh Johnson capture des paysages dépeuplés, des visages apaisés, des instants suspendus et autres natures mortes. Sa caméra peut autant s’arrêter sur un animal qu’un aliment, sur le regard indéchiffrable d’un modèle seul que sur un moment de complicité entre deux êtres. L’artiste préfère aux tonalités et aux contrastes sombres les couleurs douces et solaires, qu’elle accentue selon les clichés, pour rendre une étendue d’herbe dorée, un océan turquoise ou un poulpe pourpre. D’apparence ordinaires, ces scènes revêtent parfois une dimension énigmatique. Pourquoi cette femme dos à l’objectif, toute de rouge écarlate et de fuchsia vêtue, s’appuie-t-elle sur un mur à l’entrée d’un immeuble ? Que fixent ces trois fillettes avec ce regard si sérieux ?
Comme nombre de ses homologues, l’Américaine confie utiliser son objectif pour contrer le passage du temps, notamment par peur d’oublier certains instants de son existence. “La raison pour laquelle je suis photographe a beaucoup à voir avec mon incapacité à accepter la perte, explique-t-elle dans une vidéo publiée par la maison Chloé sur Instagram. Je prends des photos pour ne pas avoir à dire au revoir à qui ou à quoi ce soit”. En tout, Leigh Johnson déploie sur les cloisons de ce stand plus de dix années de pratique, soit dix années de moments éphémères capturés par son appareil. À l’intérieur du Grand Palais Éphémère, parmi les autres stands, l’artiste compose ainsi une bulle privée et intime, bienvenue face à l’agitation d’une foire rythmée par la présence de plus de 180 exposants.
Mais cet archivage du passé de Leigh Johnson ne se contente pas de passer par l’image et se traduit aussi par les mots. Son installation poétique associe en effet ses clichés à des citations, qui donnent leur titre à ses œuvres – considérées par la photographe comme essentielles dans sa démarche. En complétant ses clichés par ces courts énoncés, celle-ci conserve avec eux une émotion et un souvenir dont parfois elle seule détient la clé. Pour accompagner la photo d’un poteau électrique, elle écrit par exemple “Elle se demandait comment ils pourraient avoir un bébé s’il sautait par la fenêtre”, ou, pour intituler l’image d’un couple enlacé dans un pré, “quand ils s’imaginaient être l’un dans l’autre, elle était un renard et lui une pieuvre”… Des phrases poétiques voire abstraites qui sous-tendent une mêlée de sentiments complexes et donnent l’impression de plonger dans le tourbillon de la vie intime de l’artiste, de ses pérégrinations diverses à ses nombreuses rencontres et expériences profondément humaines.